En rejetant systématiquement le séparatisme et la violence, Ilham Tohti a essayé d’engager un dialogue entre ces deux groupes ethniques. Ilham Tohti est le fondateur et directeur du site web bilingue Uighur Online, qui a fait état de violations des droits humains subies non seulement par des Ouïghours mais aussi par des Hans.
Les autorités ont fermé ce site pour la première fois avant les Jeux olympiques de Pékin en 2008, et à plusieurs reprises depuis. Le 15 janvier 2014, la police est venue chercher Ilham Tohti à son domicile dans la capitale chinoise. Pendant cinq mois, sa famille et ses amis n’ont pas su où il se trouvait. Il a été privé de nourriture pendant 10 jours et forcé de porter des chaînes aux pieds pendant 20 jours de suite.
Bien que le Groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire ait reconnu en mars 2014 le caractère arbitraire de sa détention, cet homme a été condamné à la réclusion à perpétuité en septembre de la même année pour « séparatisme », à l’issue d’un procès rapide et inique. Ilham Tohti est un prisonnier d’opinion, incarcéré uniquement pour avoir exercé son droit à la liberté d’expression.
Ilham Tohti, figure importante du combat contre la répression des Ouïghours
Les autorités chinoises ont souvent recours à des accusations de « séparatisme » pour réprimer la liberté d’expression. Elles estiment que toute critique de leurs politiques ethniques vise en réalité à porter atteinte aux relations entre les différents groupes ethniques et à promouvoir en secret des idées séparatistes. À travers ses écrits et ses conférences, Ilham Tohti a mis en lumière les politiques gouvernementales qui alimentent le mécontentement et les tensions ethniques, notamment celles qui limitent l’usage de la langue ouïghoure, restreignent fortement la liberté de religion des Ouïghours, entravent leur accès à l’emploi et encouragent l’afflux de migrants hans dans la région du Xinjiang.
Tout en dénonçant les politiques qui oppressent sa communauté, il a beaucoup écrit sur le dialogue et la réconciliation comme moyens de surmonter le traitement inégal des différents groupes ethniques. Il s’est systématiquement prononcé contre la violence et œuvrait de manière pacifique à jeter des ponts entre les communautés ethniques dans le respect du droit chinois. Au lieu de saluer ses efforts pour instaurer des relations harmonieuses entre les ethnies en Chine, les autorités ont lourdement sanctionné Ilham Tohti. Au même moment, elles ont lancé une campagne d’oppression de grande ampleur à l’encontre des Ouïghours et d’autres minorités musulmanes au Xinjiang.
Depuis 2014, la présence de la police a considérablement augmenté dans la région, qui fait l’objet d’une surveillance intense dans le cadre de la « guerre du peuple contre le terrorisme », officiellement déclarée par la Chine, et des efforts pour lutter contre l’« extrémisme religieux ». En 2016, les mesures de contrôle de la société se sont rapidement multipliées. Aujourd’hui, les musulmans du Xinjiang font partie des groupes les plus surveillés au monde.
En 2017, la situation a encore empiré. Depuis, un nombre considérable d’hommes et de femmes appartenant à la communauté ouïghoure et à d’autres minorités ethniques à majorité musulmane au Xinjiang ont été placés en détention arbitrairement. Des centaines de milliers de personnes ont ainsi été emprisonnées, et des centaines de milliers – peut-être un million, voire plus – ont été envoyées dans des camps d’internement. Dans ces « camps de rééducation », les détenus subissent diverses formes de torture et d’autres mauvais traitements, y compris l’endoctrinement politique et l’assimilation culturelle forcée.
Amnesty International a recueilli des éléments fiables qui suggèrent que les emprisonnements, les actes de torture et la persécution – systématiques, de masse et organisés par l’État – des Ouïghours, des Kazakhs et d’autres minorités ethniques aux Xinjiang équivalent à des crimes contre l’humanité. La Chine continue de rejeter les appels de la communauté internationale en faveur d’un accès libre à la région du Xinjiang à des fins de recherche et d’information, tout en affirmant qu’aucune violation des droits humains n’y est commise.
Dans un essai autobiographique datant de 2011, Ilham Tohti a déclaré : « J’ai toujours affirmé que l’on ne devait pas avoir peur des différences d’opinion et de l’opposition, mais plutôt [craindre seulement] de ne pas avoir d’opportunités d’échanges. »
Malheureusement, le gouvernement chinois empêche de plus en plus les opportunités d’échanges et manifeste une peur grandissante des différences d’opinion, ce qui est flagrant au vu de la répression gouvernementale de la liberté d’expression en général et de la liberté académique en particulier.
Les intellectuels, les écrivains et les universitaires demeurent la cible principale des persécutions au Xinjiang, mais la liberté académique est aussi de plus en plus limitée dans le reste de la Chine, comme en témoignent les sévères restrictions imposées depuis avril 2020 quant aux articles scientifiques qui évoquent les origines du COVID-19.
Ilham Tohti doit être remis en liberté immédiatement et sans condition.En donnant son avis sur l’harmonie entre les ethnies en Chine, il n’a rien fait de plus qu’exercer son droit à la liberté d’expression.