Iran, frénésie d’exécutions dans les prisons pour des infractions liées aux stupéfiants

Jeune femme manifestant pour stopper les exécutions en Iran

Les autorités iraniennes ont exécuté au moins 173 personnes condamnées pour des infractions liées à la législation sur les stupéfiants depuis le début de l’année, à l’issue de procès systématiquement iniques, soit près de trois fois plus que l’année dernière sur la même période, a déclaré Amnesty International le 2 juin 2023.

« Le rythme auquel les autorités procèdent à des exécutions pour des infractions liées aux stupéfiants, en violation du droit international, révèle leur manque d’humanité et leur mépris flagrant pour le droit à la vie. La communauté internationale doit veiller à ce que la coopération dans le cadre des initiatives de lutte contre le trafic de drogue ne contribue pas, directement ou indirectement, à la privation arbitraire de la vie et à d’autres violations des droits humains en Iran, a déclaré Diana Eltahawy, directrice adjointe pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord à Amnesty International.

« Les États et les organismes intergouvernementaux doivent condamner avec la plus grande fermeté les autorités iraniennes pour ces exécutions arbitraires, réclamer l’instauration d’un moratoire officiel sur toutes les exécutions, envoyer des représentant·e·s rendre visite aux condamné·e·s à mort et demander à assister aux procès des accusé·e·s qui encourent ce châtiment. Face à cette crise d’impunité pour des exécutions arbitraires massives, ils doivent se mobiliser sans plus attendre pour mettre en place des moyens significatifs d’obligation de rendre des comptes. »

En 2023, le nombre d’exécutions générales pour tous les crimes a nettement augmenté : au moins 282 personnes ont été exécutées au total depuis le début de l’année – soit près du double par rapport à la période de janvier à début juin 2022. Si les autorités continuent de procéder à des exécutions à un tel rythme, elles pourraient ôter la vie à près d’un millier de prisonniers d’ici la fin de l’année.

Une guerre meurtrière contre les pauvres

Ce sont surtout les personnes pauvres et fragiles qui sont touchées par la peine de mort, car elles ignorent souvent leurs droits et n’ont pas les moyens de s’offrir une assistance juridique indépendante. Bien souvent, les familles des personnes exécutées se retrouvent plongées dans des situations économiques désastreuses, car elles perdent leur soutien de famille et s’endettent fortement pour les frais de justice.

Le parent d’une prisonnière qui se trouve actuellement dans le quartier des condamnés à mort et était soutien de famille avant son incarcération, a ainsi déclaré à Amnesty International :
« Elle n’a jamais rencontré son avocat commis d’office. Il a fait de fausses promesses à la famille, leur assurant qu’il ferait annuler sa condamnation à mort s’ils lui versaient une somme d’argent exorbitante. Ils ont vendu tout ce qu’ils possédaient pour le payer, même leurs moutons. Il a pris l’argent, puis il a disparu, laissant la famille avec de grosses dettes. »

Le fils adolescent d’un prisonnier exécuté pour une infraction liée aux stupéfiants a déclaré :
« Je devrais me préoccuper de mes examens, comme les autres élèves, au lieu d’aller au travail. Mes salaires ne couvrent pas les besoins de ma famille, à cause de tous les emprunts que j’ai contractés. Je n’ai même pas l’argent nécessaire pour couvrir mes frais d’inscription à l’école pour l’an prochain. Si mon père n’avait pas été exécuté, je serais en train de penser à mon avenir en ce moment, et non au moyen de gagner de l’argent pour ma famille. »

Les exécutions liées au trafic de drogue font souvent suite à des enquêtes bâclées menées par la brigade des stupéfiants iranienne et d’autres services de sécurité. Les procès pour de telles infractions se déroulent devant des tribunaux révolutionnaires et s’avèrent systématiquement iniques : les accusé·e·s ne bénéficient pas d’une procédure régulière, notamment d’une assistance juridique, et des « aveux » entachés de torture sont retenus à titre de preuve pour les condamner.

Un condamné à mort a déclaré à Amnesty International :
« Les juges des tribunaux révolutionnaires demandent si la drogue est à vous et que vous répondiez oui ou non ne fait aucune différence. Lors de mon procès, le juge m’a enjoint de me taire lorsque j’ai dit que la drogue n’était pas à moi. Il a ajouté que ma condamnation était la mort et m’a ordonné de signer un document acceptant cette sentence. Il n’a même pas autorisé mon avocat à prendre la parole pour ma défense. »

Une frénésie d’exécutions

Par ailleurs, des prisonniers sont exécutés pour d’autres actes qui ne devraient jamais entraîner la peine de mort en vertu du droit international.

Au cours des cinq premiers mois de l’année 2023, cinq personnes ont été exécutées en lien avec des manifestations, un homme pour « adultère » parce qu’il a eu des relations sexuelles consenties avec une femme mariée, et deux utilisateurs de réseaux sociaux pour « apostasie » et « outrage au prophète de l’islam » notamment.

Les forces de sécurité ajoutent à la détresse des familles en réprimant violemment les manifestations pacifiques organisées devant les prisons où des exécutions sont prévues. D’après des manifestant·e·s [1], les forces de sécurité ont tiré des gaz lacrymogènes et des balles réelles.
Amnesty International s’oppose à la peine de mort en toutes circonstances, sans exception, quelles que soient la nature ou les circonstances du crime, indépendamment des questions relatives à la culpabilité ou à l’innocence ou à toute autre situation du condamné, et quelle que soit la méthode d’exécution employée par l’État. La peine de mort est le châtiment le plus cruel, inhumain et dégradant qui soit et viole le droit à la vie.

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