Liban, Il faut mettre fin à l’impunité pour les atteintes aux droits humains

Liban impunité

Le gouvernement du Liban doit tenir compte des recommandations de la communauté internationale et se mobiliser pleinement pour réaliser, respecter et protéger les droits humains, en mettant fin à l’impunité qui étaye l’érosion drastique des droits fondamentaux économiques, sociaux et civils, a déclaré Amnesty International, au lendemain de l’examen périodique universel (EPU) consacré au Liban par le Conseil des droits de l’homme des Nations unies lundi 18 janvier.

Quarante-sept gouvernements dans le cadre de la session du Groupe de travail de l’EPU ont formulé des recommandations en vue d’améliorer les protections relatives aux droits humains au Liban.

« Les autorités libanaises doivent accepter ces recommandations et s’engager à opérer les mutations nécessaires afin de changer de cap après des décennies d’atteintes aux droits sociaux, civils et économiques de la population. L’impunité doit laisser place à l’obligation de rendre des comptes et le Liban doit être amené à tenir ses promesses, a déclaré Lynn Maalouf, directrice régionale adjointe d’Amnesty International pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord.

« Depuis son dernier examen au Conseil des droits de l’homme en 2015, le Liban n’a guère progressé concernant les recommandations auxquelles il avait souscrites : il n’a pas dûment enquêté sur les allégations de torture et n’a cessé de restreindre la liberté d’expression et de réunion dans le contexte des manifestations. Les prochains gouvernements libanais doivent accorder la priorité à ces recommandations au cours des quatre années à venir, jusqu’au prochain examen consacré au Liban.

« Au cours des années qui ont suivi le dernier EPU, Amnesty International a recensé des violations choquantes du droit à la liberté d’expression, du droit d’être protégé contre la torture, de la protection des manifestant·e·s contre le recours à la force excessive, des conditions de travail adéquates pour les travailleurs·euses migrants et de la protection des droits des réfugié·e·s – particulièrement contre le refoulement. Le Liban n’a pas non plus réussi à mettre fin à la discrimination contre les femmes et à protéger les droits des personnes LGBTIQ. Toutes les mesures positives qui ont été prises, comme la création de la Commission de lutte contre la torture ou la Commission pour les personnes disparues, s’avèrent jusqu’à présent surtout symboliques, les autorités n’ayant pas donné les moyens à ces organismes d’être opérationnels. »

« Depuis son dernier examen au Conseil des droits de l’homme en 2015, le Liban n’a guère progressé concernant les recommandations auxquelles il avait souscrites : il n’a pas dûment enquêté sur les allégations de torture et n’a cessé de restreindre la liberté d’expression et de réunion dans le contexte des manifestations. Les prochains gouvernements libanais doivent accorder la priorité à ces recommandations au cours des quatre années à venir, jusqu’au prochain examen consacré au Liban. »

Torture

Lors de son dernier examen en 2015, le gouvernement libanais a accepté les recommandations s’agissant d’enquêter sur toutes les allégations de torture et d’autres mauvais traitements et d’intenter des poursuites le cas échéant. Toutefois, l’impunité demeure généralisée. Au moins 32 plaintes déposées au titre de la Loi de 2017 contre la torture ne sont pas parvenues jusqu’au tribunal et la plupart ont été classées sans suite sans que de réelles investigations ne soient menées. L’obligation de rendre des comptes est notamment entravée par le fait que les plaintes sont fréquemment transférées aux organes qui sont eux-mêmes accusés de torture ou à la justice militaire. Les policiers accusés de torture sont maintenus à leurs postes et, dans un cas, un policier expressément cité dans le cadre d’une plainte a par la suite été promu.

Amnesty International demande une nouvelle fois aux autorités libanaises de mettre en œuvre les recommandations qu’il a acceptées lors de l’examen de 2015 et de mettre fin à la pratique consistant à geler les plaintes pour torture. En outre, le gouvernement doit mettre en œuvre la loi contre la torture en enquêtant sur les plaintes, en amenant les responsables présumés à rendre compte de leurs actes et en offrant des réparations aux victimes de torture et d’autres mauvais traitements.

Lors de la rencontre de l’EPU lundi 18 janvier, au moins cinq gouvernements ont demandé au Liban de mettre effectivement fin à la torture.

Liberté d’expression

Dans le sillage du mouvement de contestation d’octobre 2019, les autorités libanaises ont harcelé sans relâche les journalistes et les militant·e·s visibles durant les manifestations, en s’appuyant sur les lois relatives à la diffamation qui ne respectent pas les normes internationales relatives aux droits humains et limitent de manière excessive les droits des citoyens d’exercer leur liberté d’expression.

Entre octobre 2019 et juin 2020, les services de sécurité et de l’armée ont interrogé 75 personnes, dont 20 journalistes, en lien avec des accusations fallacieuses portant sur la diffamation suite à des publications sur les réseaux sociaux critiques à l’égard des autorités, bien qu’aucun de ces services ne soit mandaté pour enquêter sur les questions de liberté d’expression.

Amnesty International demande de cesser d’invoquer les lois relatives à la diffamation pour harceler les militants et les journalistes et d’aligner la législation nationale restreignant le droit à la liberté d’expression sur les normes internationales.

Au moins 11 États membres ont formulé des recommandations en vue de décriminaliser la diffamation lors de la session de l’EPU du 18 janvier.

Système de kafala

Depuis des années, des communautés au niveau local et international appellent l’État libanais à abolir le système de kafala, un dispositif de parrainage des personnes migrantes qui est par nature source d’abus, et à protéger les droits des travailleuses domestiques étrangères à des conditions de travail satisfaisantes. La crise économique, alliée à la propagation du COVID-19, a aggravé les conditions pour ces travailleurs vulnérables. Depuis mai 2020, les employeurs ont abandonné de nombreuses employées domestiques étrangères devant leur consulat ou leur ambassade, souvent sans leurs affaires ni leurs passeports. Elles ont été soumises à l’exploitation, et n’ont pas obtenu leur paye ni des billets d’avion pour rentrer chez elles.

Les autorités libanaises doivent agir de toute urgence en vue de démanteler le système de kafala, notamment en veillant à ce que les travailleurs migrants ne dépendent pas d’employeurs abusifs pour leur statut au regard de la loi dans le pays. Seul un changement de la loi sur le travail garantissant la protection des travailleurs migrants permettra de protéger leur droit à un environnement professionnel digne et juste.

Au moins 14 gouvernements ont demandé la suppression du système de kafala lors de l’examen devant le Conseil des droits de l’homme.

Droit de se réunir et de manifester pacifiquement

Malgré les déclarations du gouvernement libanais lors de l’EPU de 2015 s’engageant à protéger le droit de réunion pacifique des manifestant·e·s, l’armée, les Forces de sécurité intérieure et la police du Parlement ont recouru à une force excessive, tirant notamment des balles réelles, des balles en caoutchouc et des gaz lacrymogènes, contre des manifestants majoritairement pacifiques lorsqu’un vent de contestation a déferlé sur le pays en octobre 2019. En outre, ils ne les ont pas protégés contre les partisans armés des partis politiques.

Lors d’un événement, au moins 409 personnes ont été blessées pendant deux nuits en janvier 2020, conséquence du recours à une force excessive par les autorités et, lors d’un autre épisode, 230 personnes ont été blessées le même jour, alors qu’elles manifestaient quatre jours après l’explosion dévastatrice au port de Beyrouth qui avait déjà fait plus de 6 000 blessés. Aucune enquête transparente n’a été menée sur l’usage excessif de la force, et aucune victime n’a obtenu réparation.

Amnesty International a déjà invité le Liban à cesser d’employer une force excessive contre des manifestants pacifiques et à respecter et protéger le droit de manifester. Elle a aussi demandé la tenue d’une enquête approfondie, indépendante et efficace sur la violente répression visant les manifestants lors du mouvement de contestation d’octobre 2019.

Au moins cinq gouvernements ont engagé le Liban à respecter et protéger les droits à la liberté de réunion et de manifestation.

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