« Bahareh Zarebahari a publiquement critiqué les autorités iraniennes et s’est exprimée contre le port forcé du voile. Si les autorités philippines l’envoient en Iran, elle risque d’être arrêtée, torturée ou soumise à d’autres formes de mauvais traitements, de faire l’objet d’un procès inique et d’être emprisonnée », a déclaré Nicholas Bequelin, directeur pour l’Asie de l’Est et du Sud-Est à Amnesty International.
« Les autorités philippines sont tenues, en vertu du droit international, de s’abstenir de renvoyer quiconque vers un pays où la personne en question risque d’être victime de graves violations des droits humains. »
Bahareh Zarebahari, qui vit aux Philippines depuis cinq ans et a représenté l’Iran dans le cadre du concours de beauté Miss Intercontinental en 2018 à Manille, a été appréhendée à son arrivée à Manille en provenance de Doubaï le 17 octobre 2019. Les autorités philippines ont agi sur la base d’une notice rouge d’Interpol émise contre elle par les autorités iraniennes. Elle n’a toujours pas été informée des faits qu’on lui reproche en Iran.
Elle est depuis lors maintenue en détention dans une pièce du terminal 3 de l’aéroport international Ninoy Aquino à Manille. Selon les informations recueillies, la notice rouge est en relation avec une infraction que les autorités iraniennes l’accusent d’avoir commise en Iran en 2018, mais Bahareh Zarebahari affirme qu’elle ne s’est pas rendue en Iran depuis 2014. Dans des publications sur Facebook [1] et Instagram [2], elle a affirmé que les autorités iraniennes veulent la sanctionner en raison de son opposition à la République islamique.
Étudiante en école dentaire aux Philippines, Bahareh Zarebahari a clairement exprimé son soutien à l’ancien héritier du trône iranien, le prince Reza Pahlavi. Lors du concours de beauté de 2018 à Manille, elle a brandi une affiche de Reza Pahlavi et s’est drapée dans l’ancien drapeau national iranien, sur lequel est affiché l’emblème associé à la famille royale destituée, un lion et un soleil.
Dans un entretien accordé aux médias le 21 octobre, Bahareh Zarebahari a déclaré que ses problèmes aux Philippines ont débuté après sa participation au concours de beauté. Elle a déclaré avoir commencé à recevoir des messages menaçants de la part d’un fonctionnaire de l’ambassade iranienne aux Philippines, qui lui a dit qu’elle devait se rendre à l’ambassade afin de répondre à des questions.
« Il est consternant qu’elle soit détenue depuis si longtemps en transit à l’aéroport, dans d’aussi mauvaises conditions », a déclaré Nicholas Bequelin. « Les autorités philippines sont clairement tenues, en vertu du droit international, de la protéger et de s’abstenir de la renvoyer en Iran, où elle pourrait être victime de violations des droits humains. »
Dans une série de messages sur ses comptes Facebook et Instagram, Bahareh Zarebahari affirme que les autorités aéroportuaires la traitent comme une prisonnière et l’empêchent de recevoir des visites, exception faite de ses avocats philippins avec lesquels elle peut s’entretenir de manière restreinte.
On lui crie dessus lorsqu’elle essaie de dormir, une lumière vive est allumée 24 heures sur 24, et on la prive d’un accès à l’eau chaude. Elle déclare que sa santé physique et mentale a connu une détérioration due à ses trois semaines de détention. Elle ne peut pas dormir et souffre de maux de tête constants.
Bahareh Zarebahari affirme qu’il y a trois semaines, des agents de sécurité l’ont menottée, l’ont tirée par les cheveux, les bras et les jambes, et ont essayé de la faire embarquer de force à bord d’un vol pour l’Iran. Ces derniers jours, et bien qu’aucune décision n’ait encore été rendue concernant sa demande d’asile, les autorités aéroportuaires ont essayé de la forcer à signer des documents selon lesquels elle acceptait d’être expulsée vers l’Iran. Dans des publications récentes sur Facebook, elle affirme n’avoir reçu aucune information relative à son cas de la part des autorités philippines, bien qu’une décision sur son dossier soit imminente, selon certaines sources.
Markk Perete, sous-secrétaire du Ministère philippin de la Justice, a précédemment déclaré que « la seule raison de sa détention à l’aéroport [...] est la notice rouge publiée contre elle ».
Le 6 novembre, Leila de Lima, sénatrice philippine et prisonnière d’opinion adoptée par Amnesty International, a fait état de son inquiétude concernant le cas de Bahareh Zarebahari, et exhorté le gouvernement philippin à examiner sa demande d’asile conformément au droit international relatif aux droits humains.
Aux termes du droit international, chaque État a le droit de réglementer les conditions d’accès et de résidence des étrangers sur son territoire et de renvoyer dans leur pays d’origine les personnes en situation irrégulière. Toutefois, comme tous les autres États, les Philippines doivent respecter le principe de non-refoulement, clé de voûte du droit relatif aux réfugié·e·s, inscrit dans le droit international coutumier. En vertu de ce principe, il est interdit aux gouvernements d’envoyer qui que ce soit dans un pays où cette personne risquerait de subir de graves violations des droits fondamentaux.