Le 1er mai, Archad Ayao, un enquêteur de la Commission philippine des droits humains, a été abattu à Cotabato, une ville du sud des Philippines. L’identité du tireur est toujours inconnue. Le 22 avril, Bernardino Patigas, défenseur des droits humains et responsable politique local, a été tué par balle à Escalante City, dans le Negros occidental. Quelques heures plus tard, plusieurs de ses collègues (dont la secrétaire générale de l’organisation Karapatan, Cristina Palabay) ont reçu des SMS menaçants d’une personne inconnue les avertissant qu’ils figuraient également sur une liste de personnes à abattre cette année.
Outre des actes directs de violence physique, des défenseurs des droits humains ont fait l’objet de tentatives de délégitimation susceptibles de les mettre en danger. En mars, des responsables des forces armées ont affirmé que la rapporteuse spéciale des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, Victoria Tauli-Corpuz, avait des liens avec les « activités terroristes » présumées du Parti communiste des Philippines, dans le but manifeste de décrédibiliser le travail de la rapporteuse en faveur des droits humains. Comme dans cette affaire, des responsables ont exposé de nombreux défenseurs et militants à un risque accru d’attaques en les qualifiant de « rouges », c’est-à-dire en affirmant qu’ils avaient des liens avec des groupes armés communistes ou des activités terroristes, parce qu’ils critiquaient pacifiquement des politiques du gouvernement. Les groupes ainsi catalogués par le gouvernement sont notamment Karapatan, les Missions rurales des Philippines, le groupe de réflexion Ibon Foundation et le Syndicat national des avocats du peuple, qui propose une aide juridique aux prisonniers politiques, aux militants et aux familles des victimes d’exécutions extrajudiciaires.
Ces attaques contre des défenseurs des droits humains se déroulent dans un contexte de détérioration des droits fondamentaux. Au cours des trois dernières années, des milliers de Philippins, principalement issus de milieux pauvres et marginalisés, ont été tués par la police au nom de la « guerre contre la drogue » menée actuellement par le gouvernement. Ces assassinats ont lieu quotidiennement, malgré leur condamnation à l’échelle nationale et internationale. Les défenseurs des droits humains qui demandent que des comptes soient rendus et qui appellent à mettre un terme à ces homicides subissent un harcèlement continu via le système de justice pénale. Parmi ces défenseurs, on trouve la sénatrice Leila de Lima, qui est détenue depuis plus de deux ans pour infraction à la législation sur les stupéfiants, charges motivées par des considérations politique. On compte également le site d’informations Rappler et sa directrice, Maria Ressa, visés par 11 plaintes en justice, ainsi que plusieurs autres journalistes et avocats défenseurs des droits humains qui ont été publiquement accusés d’œuvrer à la déstabilisation du gouvernement.
Les autorités philippines sont tenues de prendre des mesures pour protéger les défenseurs des droits humains, en vertu du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), auquel les Philippines sont partie. Avec le PIDCP, les États parties se sont engagés à respecter et à protéger les droits à la vie (article 6.1), à la liberté d’expression (article 19.2) et de réunion (article 21) et à une égale protection de la loi (article 26). Ils sont également tenus de garantir un recours utile à toute personne dont les droits ont été violés (article 2.3).
Amnesty International appelle les autorités philippines à conduire sans délai des enquêtes efficaces et impartiales sur les attaques visant les défenseurs des droits humains, et à traduire en justice les responsables présumés de ces agissements dans le cadre de procès équitables.
Amnesty International appelle les autorités philippines à conduire sans délai des enquêtes efficaces et impartiales sur les attaques visant les défenseurs des droits humains, et à traduire en justice les responsables présumés de ces agissements dans le cadre de procès équitables. Les représentants des autorités, y compris du gouvernement, devraient également cesser de faire des déclarations qui dénigrent le travail important et indispensable des défenseurs des droits humains, protéger activement ces personnes et veiller à ce qu’elles bénéficient d’un environnement sûr et propice à leurs activités de plaidoyer.
COMPLÉMENT D’INFORMATION
Le 1er mai, Archad Ayao, un enquêteur de la Commission régionale des droits humains de la Région autonome bangsamoro dans le Mindanao musulman, a été abattu à Cotabato par un tireur dont l’identité est toujours inconnue. La police étudie la possibilité que cet assassinat soit lié aux affaires de violations des droits humains dans le sud des Philippines sur lesquelles Archad Ayao menait des investigations.
Le 22 avril, Bernardino Patigas, défenseur des droits humains et responsable politique local, a été tué par balle alors qu’il quittait une réunion électorale à Escalante City, dans le Negros occidental. Il était le fondateur de la North Negros Alliance for Human Rights Advocates, une organisation membre de la fédération de défense des droits humains Karapatan. Quelques heures après son assassinat, Cristina Palabay, la secrétaire générale de Karapatan, a reçu un SMS exprimant des condoléances pour la mort de Bernardino Patigas et l’avertissant qu’elle et plusieurs autres défenseurs des droits humains figuraient également sur une liste de personnes à abattre cette année.
Le 13 mars, un responsable de l’armée philippine, le commandant général Antonio Parlade Junior, a accusé la rapporteuse spéciale des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, Victoria Tauli-Corpuz, d’avoir des liens avec le Parti communiste des Philippines (CPP) et ses « activités terroristes » présumées. Précédemment, en juillet 2018, un tribunal de Manille avait ordonné au ministère philippin de la Justice de retirer Victoria Tauli-Corpuz et trois autres personnes de la requête que ce ministère avait déposée pour que le CPP soit déclaré organisation terroriste. Cette requête, qui comprenait intialement le nom de plus de 600 « terroristes » supposés, ne comporte maintenant que huit noms et est toujours examinée par le tribunal.