« Au cours des 30 derniers jours, le gouvernement du président Nayib Bukele a foulé aux pieds les droits du peuple salvadorien. Des réformes juridiques qui bafouent les normes internationales aux arrestations arbitraires massives et aux mauvais traitements infligés aux détenus, les autorités salvadoriennes ont engendré une tempête parfaite de violations des droits humains, qui risque fort de se poursuivre avec la prolongation du décret d’urgence. » a déclaré, Erika Guevara-Rosas, directrice du programme Amériques à Amnesty International.
« Aujourd’hui, au Salvador, les mineurs âgés de 12 à 16 ans sont passibles de peines de prison pouvant aller jusqu’à 10 ans, il est possible d’arrêter arbitrairement des personnes issues de communautés pauvres et marginalisées et de les priver du droit à une défense juridique, d’enfermer les prisonniers sans nourriture ni air frais suffisants, et d’incarcérer les journalistes simplement pour avoir couvert des activités liées aux gangs. »
« Le gouvernement doit mettre fin à sa posture hostile envers la société civile et la communauté internationale, et faire le bilan des effets épouvantables de sa politique sur les droits humains.
« Nous appelons la communauté internationale à se mobiliser pour éviter la crise naissante des droits humains au Salvador, et les autorités du pays à mettre un terme aux abus et à garantir des enquêtes indépendantes sur les violations des droits humains déjà perpétrées. »
Complément d’information
Le 27 mars, l’Assemblée législative du Salvador a approuvé l’état d’urgence à la demande du président Nayib Bukele, à la suite d’informations faisant état d’une forte hausse du nombre de meurtres liés aux gangs au cours du week-end précédent.
Le décret d’urgence suspend certains droits fondamentaux auxquels, selon le droit international, il ne doit en aucun cas être dérogé, notamment le droit à une défense juridique et le droit d’être informé des motifs d’une détention.
Le 30 mars, l’Assemblée législative a adopté de nouvelles mesures, notamment l’instauration de périodes de détention provisoire d’une durée indéterminée ; la possibilité de juger les personnes accusées de crimes par contumace – c’est-à-dire sans qu’elles ne soient présentes au tribunal ; la possibilité de condamner des mineurs âgés de 12 à 16 ans à des peines pouvant aller jusqu’à 10 ans de prison pour des crimes liés aux gangs ; et la mise en place de peines de prison pour ceux qui « bénéficient directement ou indirectement de relations de toute nature » avec des gangs – une disposition formulée en termes vagues qui ne répond pas aux exigences du droit international. D’autres mesures non conformes aux normes internationales ont également été approuvées.
Le 5 avril, l’Assemblée législative du Salvador a de nouveau approuvé des réformes inquiétantes du Code pénal, instaurant des peines pour tous ceux qui reproduisent des contenus censés émaner de gangs. Cette disposition formulée en termes vagues fait craindre la censure et la criminalisation des journalistes qui rendent compte de la violence liée aux gangs au Salvador.
Selon le président Nayib Bukele, au 25 avril, soit 30 jours après l’instauration de l’état d’urgence, au moins 17 000 personnes avaient été arrêtées dans le cadre de ces mesures.
La société civile et les familles des détenus ont signalé des arrestations arbitraires menées par les forces de sécurité.
En outre, des vidéos ont circulé montrant des mauvais traitements présumés infligés aux détenus par les forces de sécurité : dans l’une de ces vidéos, un individu en uniforme semble se tenir debout sur la tête d’un prisonnier maîtrisé. Cette vidéo [1] aurait été postée sur le compte Twitter de la Police nationale avant d’être retirée. Le président Nayib Bukele a également fait des commentaires sur Twitter [2] suggérant que les détenus ne recevraient pas de rations alimentaires complètes et ne bénéficieraient pas d’air frais, en violation des normes internationales.
Selon les médias [3], au moins quatre personnes seraient mortes en détention dans le cadre de l’état d’urgence.
Le gouvernement salvadorien a ouvertement attaqué ceux qui critiquent les mesures, se servant des réseaux sociaux pour stigmatiser les représentants de la société civile et les personnes en relation avec la communauté internationale.
L’état d’urgence devait prendre fin le 25 avril 2022, mais l’Assemblée législative a renouvelé son application pour une période de 30 jours.