Manifestement, le recours à la peine de mort est en voie d’extinction, comme l’indique la chute du nombre d’exécutions et de condamnations à mort recensées en 2020.
Cette tendance est également mise en évidence par la décision qu’a prise le Tchad d’abolir la peine de mort en 2020, tout comme l’État du Colorado aux États-Unis. De plus, la Virginie est récemment devenue le premier État du sud des États-Unis à avoir supprimé la peine de mort, et plusieurs projets de loi visant à l’abolir au niveau fédéral sont en instance devant le Congrès des États-Unis.
Compte tenu du fait qu’un nombre sans précédent d’États – 123 au total – ont soutenu l’appel de l’Assemblée générale des Nations unies en faveur d’un moratoire sur les exécutions, la pression s’accroît pour que ceux qui sont encore à la traîne rejoignent ce mouvement.
Poursuite des exécutions en pleine période de pandémie
La chute du nombre d’exécutions est essentiellement due à une réduction du nombre de mises à mort dans certains pays non abolitionnistes et, dans une moindre mesure, à des interruptions de l’application de la peine de mort survenues en raison de la pandémie de COVID-19. Le nombre d’exécutions recensées en Arabie saoudite a chuté de 85 %, passant de 184 en 2019 à 27 en 2020, et de plus de 50 % en Irak, où il est passé de 100 en 2019 à 45 en 2020.
Cependant, le nombre réel d’exécutions est certainement beaucoup plus élevé, étant donné que la Chine, la Corée du Nord, la Syrie et le Viêt-Nam ne rendent pas publiques leurs statistiques sur les exécutions. On estime que la Chine exécute chaque année plusieurs milliers de personnes, se plaçant ainsi en tête des pays qui exécutent le plus, devant l’Iran (246+), l’Égypte (107+), l’Irak (45+) et l’Arabie saoudite (27), qui à eux seuls totalisent 88 % de toutes les exécutions recensées en 2020.
D’autres pays ont aussi procédé à des exécutions.
La chute du nombre d’exécutions est essentiellement due à une réduction du nombre de mises à mort dans certains pays non abolitionnistes et, dans une moindre mesure, à des interruptions de l’application de la peine de mort survenues en raison de la pandémie de COVID-19
Alors qu’un combat était livré à travers le monde en 2020 pour protéger la vie des personnes face à la pandémie de COVID-19, 18 pays ont impitoyablement procédé à des exécutions autorisées par l’État, certains d’entre eux allant même jusqu’à accroître le nombre de mises à mort.
En Égypte, le nombre d’exécutions enregistrées durant l’année a triplé, cet État se classant ainsi au troisième rang mondial des pays ayant procédé au plus grand nombre d’exécutions en 2020. Au moins 23 des personnes exécutées ont été condamnées à mort dans des affaires liées à des violences politiques et à l’issue de procès manifestement iniques entachés par l’utilisation d’« aveux » extorqués et par d’autres graves violations des droits humains, notamment la torture et la disparition forcée, en violation du droit international.
Aux États-Unis, les exécutions fédérales ont repris après une pause de 17 ans, et 10 personnes ont ainsi été mises à mort l’espace de six mois, ce qui est ahurissant. Les exécutions ont aussi repris en Inde, après une trêve de cinq ans. Oman, le Qatar et Taiwan sont également allés à l’encontre de la tendance abolitionniste observée dans le monde, en reprenant les exécutions. La Chine a annoncé se livrer à la répression des « agissements criminels » entravant les mesures de prévention de la propagation du COVID-19, répression qui a donné lieu à la condamnation à mort d’au moins un homme, exécuté quelques mois plus tard seulement.
Difficultés extraordinaires pour défendre et protéger les personnes condamnées à mort
Dans plusieurs pays, les restrictions liées au COVID-19 ont encore aggravé la situation. Ces restrictions ont entravé l’accès des personnes détenues à un·e avocat·e et le respect des autres garanties pour l’équité des procès. Aux États-Unis, des avocat·e·s de la défense ont signalé avoir été dans l’incapacité de mener un travail d’enquête crucial ou de rencontrer leurs clients en face-à-face. À Singapour, deux sentences capitales au moins ont été prononcées au moyen d’une application de visioconférence. Au Nigeria, un homme a été condamné à mort par un tribunal par liaison vidéo, son avocat et les magistrats du parquet participant eux aussi à l’audience à distance.
Dans plusieurs affaires aux États-Unis, les autorités fédérales ont exécuté des personnes au moyen de l’injection létale alors que l’ordre d’exécution initial avait expiré, et alors que des recours étaient encore en instance devant la justice. Les autorités ont ainsi agi en violation de garanties essentielles prévues par le droit international qui imposent aux États de ne pas procéder à une exécution si des recours sont en cours.
Dans plusieurs pays, les restrictions liées au COVID-19 ont encore aggravé la situation. Ces restrictions ont entravé l’accès des personnes détenues à un·e avocat·e et le respect des autres garanties pour l’équité des procès
La poursuite aux États-Unis des exécutions fédérales a considérablement entravé la capacité des personnes détenues de demander de l’aide en cas de représentation juridique insuffisante lors de leur procès ou pour les recours en appel, ou en cas de vices de procédure entachant de longue date leur affaire – dans de nombreuses occurrences en violation du droit international.
Il est déjà difficile, dans le meilleur des cas, de s’opposer à une exécution en temps normal, mais en raison de la pandémie, la situation a encore empiré pour les personnes condamnées à mort. La préparation des recours en appel et le soutien apporté aux personnes condamnées à mort ont, compte tenu des règles de distanciation sociale, des restrictions des visites aux personnes détenues et du risque élevé de contamination par le COVID-19 en raison de la propagation de la maladie en milieu carcéral, représenté des défis majeurs en 2020. Ces circonstances exceptionnelles auraient dû à elles seules conduire les États non abolitionnistes à suspendre toutes les affaires mettant en jeu la peine de mort.
Or, à titre d’exemple, au milieu de cette année de pandémie, Wesley Ira Purkey a été exécuté par les autorités fédérales dans l’Indiana le 16 juillet 2020, alors même qu’un tribunal de district avait suspendu son exécution. Ce tribunal avait relevé que Wesley Ira Purkey était atteint de la maladie d’Alzheimer et noté qu’on lui avait diagnostiqué un syndrome de stress post-traumatique complexe, une forme de schizophrénie, des troubles bipolaires, une dépression majeure et un état de psychose. Le conseiller spirituel de Wesley Ira Purkey avait en outre demandé à la justice de suspendre l’exécution prévue parce qu’il souffrait de problèmes de santé et était dans l’impossibilité d’apporter son soutien au condamné à l’approche de son exécution. Les autorités fédérales ont malgré tout procédé à l’exécution du condamné.
Abolir la peine de mort
Même si certains gouvernements continuent d’appliquer la peine de mort, il est clair que de manière générale la peine capitale est en voie d’extinction.
Alors que se confirme résolument la tendance abolitionniste, nous demandons aux autorités des États-Unis de prendre des mesures décisives. Le Congrès devrait soutenir les initiatives législatives visant à abolir la peine de mort. Le président Joe Biden devrait gracier les 49 personnes condamnées à mort par les autorités fédérales. Les autorités des États de ce pays devraient abolir la peine capitale et commuer toutes les condamnations à mort qui relèvent de leur juridiction.
Au niveau mondial, tous les pays qui n’ont toujours pas supprimé ce châtiment devraient mettre fin une fois pour toutes à ces homicides autorisés par l’État. Il est plus que temps que la peine de mort soit reléguée aux oubliettes de l’histoire. Avec ses partenaires à travers le monde, Amnesty International continuera de mener campagne contre la peine de mort jusqu’à ce que ce châtiment soit aboli partout et définitivement.
Cet article a été publié dans un premier temps en anglais par TIME [1] .