« Si les révélations de cette enquête sont résolument choquantes, elles ne sont malheureusement pas surprenantes. Il est en effet évident que les autorités wallonnes ne respectent pas les règles définies par le décret wallon sur les exportations d’armes et autorisent des exportations qui peuvent contribuer à commettre des violations des droits humains et du droit international humanitaire, expliquent les organisations. L’enquête de Médor démontre par ailleurs que l’opacité qui caractérise le contrôle des exportations d’armes wallonnes favorise grandement les pratiques irresponsables. »
En effet, la décision d’accorder ou de refuser des licences d’exportation d’armes revient au seul Ministre-Président, qui ne reçoit que des avis confidentiels non contraignants. En ce qui concerne le contrôle parlementaire, il est réduit à sa plus simple expression et la société civile n’est informée que très tardivement et de manière lacunaire sur les exportations d’armes autorisées par le Ministre-Président.
« L’enquête de Médor démontre que l’opacité qui caractérise le contrôle des exportations d’armes wallonnes favorise grandement les pratiques irresponsables »
« Nous critiquons avec force ce système depuis longtemps, mais nous insistons également sur le rôle des entreprises d’armements, qui ne peuvent plus continuer à ignorer leur rôle central en ce qui concerne les exportations d’armes. Il est de leur devoir de s’assurer que leurs exportations ne risquent pas de contribuer pas à commettre des violations des droits humains et du droit international humanitaire, soulignent les organisations. Les révélations de Médor nous confortent donc dans notre décision de lancer une action pénale contre les exportations réalisées par la FN Herstal à destination de l’Arabie saoudite avec des licences non valables. L’entreprise détenue à 100 % par la Région wallonne ne pouvait pas ignorer que ces armes risquaient d’être employées pour violer les droits humains et le droit international humanitaire. »
Une pétition adressée au Ministre-Président Elio Di Rupo demandant un réel respect du décret wallon réglant les exportations de matériel militaire et une transparence accrue dans les procédures d’octroi des licences d’exportation d’armes est par ailleurs disponible sur le site d’Amnesty International.
« Les révélations de Médor nous confortent donc dans notre décision de lancer une action pénale contre les exportations réalisées par la FN Herstal à destination de l’Arabie saoudite avec des licences non valables »
Complément d’information
L’enquête de Médor porte sur des licences accordées en 2019 par Elio Di Rupo pour des exportations à destination de l’Arabie saoudite, alors que la commission d’avis l’avait informé des risques quant à la possible utilisation de ce matériel pour commettre des crimes de guerre dans le cadre de la guerre au Yémen. Cet accord a été donné dans un contexte où de multiples voix – de la société civile, mais aussi des Nations unies, du Parlement européen et de la Chambre des représentants – s’inquiétaient des conséquences dramatiques pour les populations civiles du conflit au Yémen (qualifié par les Nations unies de « pire crise humanitaire au monde »), où l’Arabie saoudite est engagée à la tête d’une coalition depuis 2015. En outre, la commission d’avis signalait que la situation des droits humains en Arabie saoudite était « désastreuse ».
Ces licenses ont par ailleurs été accordées dans un contexte où le gouvernement dirigé par Elio Di Rupo s’était formellement engagé, via la Déclaration de politique régionale, à plaider en faveur d’« une décision au niveau européen sur l’arrêt des ventes d’armes aux pays qui commettent des violations graves du droit international humanitaire ou du droit international des droits humains ». Ce faisant, le Ministre-Président et sa majorité ont donc violé leurs propres engagements. Outre l’aspect problématique de telles décisions en matière de respect des droits humains, de sérieuses questions se font jour quant à la bonne gouvernance au sein de la majorité wallonne.
Depuis le début du conflit en mars 2015, toutes les parties au conflit au Yémen ont commis des violations répétées et graves du droit international humanitaire. En ce qui concerne la coalition emmenée par l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis, il a été mis en évidence qu’elle cible des infrastructures civiles et mène des attaques aveugles, faisant des centaines de mort·es et de blessé·es parmi la population civile.