L’un des deux recours concerne l’exportation de tourelles de chars produites par John Cockerill Defense (ex-CMI Defense) et qui équipent les véhicules blindés de la firme canadienne GDLS destinés à être transférés en Arabie saoudite. Les ONG qui avaient obtenu la suspension des licences précédentes par une décision du Conseil d’Etat du 8 mars dernier ont été alertées par le référencement, sur le site des statistiques officielles canadiennes [1], de l’importation par le Canada de matériel militaire belge pour quelque 137,29 millions d’euros (212,6M de $Can) pour le seul mois de mai. La Région wallonne a par ailleurs confirmé qu’une nouvelle licence avait bien été octroyée par Elio Di Rupo pour l’entreprise John Cockerill.
« Cette reprise des exportations vers un pays qui est suspecté de commettre des crimes de guerre au Yemen, et qui se fait dès lors en violation totale du droit international humanitaire prévu dans le Traité sur le commerce des armes, nous étonne d’autant plus qu’elle a lieu deux mois à peine après que le Conseil d’Etat ait suspendu les licences autorisant ces exportations, expliquent les organisations.
« Nous nous inquiétons aujourd’hui qu’Elio Di Rupo remplace dans la plus grande opacité des licences suspendues précédemment, en allant ainsi à l’encontre d’une décision de justice. »
Au mois de mars dernier, le Conseil d’État avait en effet jugé que la décision d’Elio Di Rupo d’accorder des licences pour l’exportation d’armes vers l’Arabie saoudite par la FN Herstal, Mecar et John Cockerill (anciennement CMI) Defense contrevenait au critère relatif au respect du droit international humanitaire prévu par le décret wallon du 21 juin 2012 relatif à l’importation, à l’exportation, au transit et au transfert d’armes civiles et de produits liés à la défense. Pour motiver sa décision, le Conseil d’État avait notamment évoqué les critères mentionnés dans la Position commune de l’Union européenne sur le contrôle des exportations d’armes et le décret du 21 juin 2012 les intégrant dans le droit wallon.
« Alors qu’il a déjà été précédemment établi que des armes wallonnes ont été engagées dans les conflits dévastateurs qui sévissent au Yemen, Elio Di Rupo - qui dispose d’un large pouvoir discrétionnaire dans l’évaluation des facteurs pertinents liés à l’octroi de licences d’exportation d’armes - poursuit les exportations coûte que coûte en faisant fi des décisions de justice et du respect du droit », ajoutent les organisations.
La coalition dirigée par l’Arabie saoudite est impliquée dans la guerre sanglante au Yémen depuis 2015. La situation dénoncée, tant en Arabie saoudite qu’au Yémen n’a évidemment pas évolué depuis décembre 2019 et continuer à armer l’Arabie saoudite n’est pas plus acceptable aujourd’hui qu’hier. Selon les Nations unies, il s’agit de la pire crise humanitaire au monde. Fin 2019, 233 000 personnes étaient déjà mortes des suites du conflit et plus de trois millions de personnes avaient fui depuis le début de la guerre. Toutes les parties au conflit sont coupables de violations flagrantes du droit international.