Depuis que le conflit a débuté dans le nord de l’Éthiopie le 4 novembre, l’accès à l’État du Tigré est fortement restreint du fait de l’opération militaire en cours, les communications sont coupées et les vols civils vers les aéroports de la région sont suspendus.
Par ailleurs, Amnesty International demande que les dizaines de milliers de réfugié·e·s érythréens qui se trouvent dans plusieurs camps à travers le Tigré soient protégés, et que des observateurs des droits humains puissent se rendre librement dans la région, tandis que la situation en termes de sécurité continue de se détériorer.
« Nous sommes au bord d’une crise humanitaire dans le nord de l’Éthiopie et les autorités fédérales ne font que jeter de l’huile sur le feu, a déclaré Deprose Muchena, directeur régional pour l’Afrique de l’Est et l’Afrique australe à Amnesty International.
« Il faut permettre l’acheminement de l’aide humanitaire internationale et l’accès des observateurs des droits humains, notamment dans les camps de réfugiés, afin de prévenir de nouvelles souffrances et d’autres morts. Le gouvernement éthiopien doit aussi rétablir les communications téléphoniques et Internet dans toute la région, afin de permettre la coordination de l’aide à destination de ceux qui en ont désespérément besoin. »
On estime que 96 000 réfugié·e·s originaires d’Érythrée se trouvent dans le Tigré. Amnesty International a confirmé que des milliers de réfugiés érythréens ont fui ces camps et sont arrivés dans la ville de Gondar, dans la région Amhara, ainsi que dans la capitale éthiopienne Addis-Abeba.
« Il faut permettre l’acheminement de l’aide humanitaire internationale et l’accès des observateurs des droits humains, notamment dans les camps de réfugiés, afin de prévenir de nouvelles souffrances et d’autres morts. Le gouvernement éthiopien doit aussi rétablir les communications téléphoniques et Internet dans toute la région, afin de permettre la coordination de l’aide à destination de ceux qui en ont désespérément besoin. »
Selon l’ONU [1], on recense quelque 100 000 personnes déplacées dans la région depuis le début du conflit et 850 000 personnes avaient déjà besoin d’une assistance humanitaire avant le conflit. Ces dernières semaines, plus de 50 000 personnes ont fui le Tigré vers le Soudan voisin, beaucoup relatant aux médias des récits de violences terrifiantes.
Ces dernières semaines, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a alerté [2] sur le fait que les fournitures médicales viennent à manquer dans les hôpitaux de la région et le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme a décrit [3] « une situation extrêmement inquiétante et explosive », qui risque de dégénérer.
Risques pour les travailleurs·euses humanitaires
Amnesty International craint également que la vie des travailleurs·euses humanitaires ne soit en danger dans la région, après avoir reçu la confirmation que quatre d’entre eux ont été tués depuis le début du conflit. Le mois dernier, trois gardiens de la sécurité du Conseil danois pour les réfugiés ont été tués et un membre du personnel du Comité international de secours [4] est mort dans le camp de réfugiés de Hitsats. On ignore toujours dans quelles circonstances ils sont morts, et qui les a tués.
Le 7 décembre, un véhicule transportant des membres du personnel de sécurité de l’ONU a essuyé des tirs des forces de sécurité éthiopiennes près du camp de réfugiés de Shimelba, dans le Tigré. Le 9 décembre, un porte-parole du gouvernement a déclaré que ce véhicule avait été pris pour cible parce qu’il circulait dans la zone sans les autorisations appropriées délivrées par le gouvernement éthiopien, ajoutant que le véhicule ne s’était pas arrêté à deux postes de contrôle de sécurité.
« Ces attaques sont ignobles. Toutes les parties au conflit se doivent de respecter et de protéger les employé·e·s des organisations humanitaires, conformément au droit international humanitaire. Attaquer délibérément ceux qui fournissent une assistance humanitaire peut constituer un crime de guerre. Les autorités éthiopiennes doivent ordonner à leurs forces de cesser de s’en prendre à eux – et aux centres dans lesquels ils travaillent – dans le cadre des opérations militaires conduites dans la région », a déclaré Deprose Muchena.
Complément d’information
Le 4 novembre 2020, le Premier ministre Abiy Ahmed a donné l’ordre aux Forces de défense nationale éthiopiennes (FDNE) – soutenues par les forces spéciales et des milices – de lancer une opération militaire contre la Police paramilitaire de la région du Tigré et les milices ayant fait allégeance au Front populaire de libération du Tigré (FPLT). Il a expliqué qu’il s’agissait d’une réponse aux multiples attaques menées par les forces de sécurité régionales du Tigré contre la base du Commandement-Nord des FDNE, à Mekele, et d’autres camps militaires dans la région du Tigré.
En novembre, Amnesty International a appelé à veiller à la protection des civils lors de l’offensive contre Mekele, après avoir enquêté sur le massacre qui a fait des centaines de victimes civiles à Mai-Kadra (May Cadera), ville située dans l’ouest de la région du Tigré.