Le coût de l’inaction du G20 face aux crises du climat et de la dette est « potentiellement catastrophique »

Des membres d'Amnesty, Fridays for Future et le ministère du Changement climatique se mobilisent pour appeler à la justice climatique.

Les dirigeant·e·s mondiaux participant au sommet du G20 à New Delhi, qui s’ouvre samedi 9 septembre, doivent considérablement accroître l’aide internationale et alléger la dette des États vulnérables afin d’aider à la mise en œuvre de la justice climatique, requise de toute urgence, et de prévenir un échec potentiellement catastrophique sur le terrain de la protection des droits humains, a déclaré Amnesty International vendredi 8 septembre.

Amnesty International demande aux dirigeant·e·s du G20 de tenir les promesses de financement de la lutte contre le changement climatique qu’ils n’ont pas encore honorées, et de prendre de nouveaux engagements, notamment concernant un allègement complet de la dette des pays en situation de surendettement. La crise de la dette menace le droit des personnes à une alimentation, des vêtements et un logement convenables inscrit dans la Déclaration universelle des droits de l’homme, et la crise climatique fait peser des menaces extrêmes sur le droit à un environnement propre, sain et durable.

« Le G20 se tient alors que le monde est sur le fil du rasoir. La crise climatique cause d’immenses préjudices aux populations, et de nombreux États vulnérables face aux changements climatiques sont confrontés à une crise de la dette. Les droits fondamentaux de milliards de personnes sont menacés. Le coût de l’inaction sera catastrophique », a déclaré Agnès Callamard, secrétaire générale d’Amnesty International.

« Il est essentiel que le G20 reconnaisse l’ampleur et l’urgence de ces crises et qu’il agisse rapidement pour mettre fin à l’intensification des catastrophes liées au climat et à la dette. »

« La flambée des prix des denrées alimentaires de base, les chocs économiques et la crise climatique représentent des défis sans précédent que de nombreux pays sont mal armés pour affronter, en particulier ceux qui n’ont guère contribué à créer ces menaces mondiales. Le nombre de pays à faibles revenus en situation de surendettement [1] a augmenté depuis la pandémie de Covid-19 et s’élève actuellement à 42 ; ces difficultés entravent leur capacité à protéger les droits des personnes, en particulier parce qu’un grand nombre d’entre eux sont confrontés à des chocs climatiques récurrents.

« Il est essentiel que le G20 reconnaisse l’ampleur et l’urgence de ces crises et qu’il agisse rapidement pour mettre fin à l’intensification des catastrophes liées au climat et à la dette. »

Des dettes ingérables

Le nombre de personnes en situation d’extrême pauvreté, c’est-à-dire vivant avec moins de 2,15 dollars des États-Unis par jour, a augmenté en 2021 pour la première fois depuis que le G20 a commencé à se réunir, en 1999. Les pays à faibles revenus dépensent davantage pour rembourser la dette, en proportion de leur revenu national, qu’ils ne l’ont fait depuis au moins 30 ans. Il est presque certain que l’objectif de l’éradication de l’extrême pauvreté d’ici 2030, l’un des 17 objectifs de développement durable des Nations unies adoptés en 2015, ne sera pas atteint.

Le G20, qui travaille en étroite collaboration avec les institutions financières internationales, notamment le Fonds monétaire international et la Banque mondiale, peut contribuer à changer cette situation en veillant à ce que les processus d’allègement de la dette soient équitables, solides et suffisamment rapides pour aider efficacement les pays confrontés à plus d’une crise.

Cela suppose entre autres d’accepter d’envisager des mesures plus vastes d’annulation de la dette. Les accords sur la dette conclus par le Fonds monétaire international et d’autres prêteurs multilatéraux prévoient trop souvent des conditions faisant peser des fardeaux supplémentaires sur les personnes pauvres et vulnérables, et sont dépourvus d’un cadre des droits humains qui aiderait à sortir de cycles d’endettement onéreux.

Le G20 doit soutenir une réforme radicale de l’architecture financière internationale existante, en passant à un système plus inclusif qui représente les intérêts des pays débiteurs, en particulier des États à faibles revenus, ainsi que des créanciers.

Toute réforme doit tenir compte de la dévastation causée par les chocs climatiques ; il n’est pas acceptable que des pays s’enfoncent davantage dans l’endettement alors qu’ils sont confrontés à des phénomènes météorologiques extrêmes récurrents dus au changement climatique auquel ils ont peu contribué.

Préjudices liés aux changements climatiques

Amnesty International appelle le G20 à soutenir des mesures draconiennes afin de prévenir l’aggravation des catastrophes climatiques, notamment en acceptant l’abandon rapide de tous les combustibles fossiles. Les températures moyennes mondiales augmentent rapidement et, si des mesures ambitieuses ne sont pas prises dès maintenant, risquent d’excéder et de loin l’augmentation maximum de 1,5 °C par rapport aux niveaux préindustriels, qu’il est crucial selon le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) de ne pas dépasser afin de protéger l’humanité contre les effets les plus dévastateurs du changement climatique.

Agnès Callamard a déclaré : « L’abandon de tous les combustibles fossiles dans des délais rapides doit être la priorité mondiale, afin d’éviter une catastrophe climatique et des atteintes supplémentaires aux droits humains. Le monde se dirige vers un désastre climatique et les signaux de détresse sont évidents. Les populations souffrent, tandis que les écosystèmes et la biodiversité sont détruits. »

Cette année, une grave sécheresse a frappé la Corne de l’Afrique, une grande partie de l’Asie a connu des températures record, de gigantesques feux de forêt ont ravagé des pans entiers de l’Amérique du Nord et de l’Europe, le mois de juillet a été le plus chaud jamais enregistré au niveau mondial, la température des océans atteint des niveaux sans précédent, les calottes glaciaires polaires disparaissent et des précipitations record ont provoqué des inondations meurtrières en Europe et en Chine.

« L’abandon de tous les combustibles fossiles dans des délais rapides doit être la priorité mondiale, afin d’éviter une catastrophe climatique et des atteintes supplémentaires aux droits humains. Le monde se dirige vers un désastre climatique et les signaux de détresse sont évidents. Les populations souffrent, tandis que les écosystèmes et la biodiversité sont détruits. » Agnès Callamard

On ne peut pas raisonnablement attendre des pays à faibles revenus qu’ils respectent des engagements à cesser d’utiliser des combustibles fossiles si les pays plus riches continuent de ne pas honorer leurs propres promesses et obligations, tout en s’abstenant d’allouer des financements suffisants à la lutte contre le changement climatique et d’alléger la dette des États les plus vulnérables.

Les pays riches doivent tenir leurs engagements à fournir au moins 100 milliards de dollars par an - et les renforcer considérablement - pour aider les États à atténuer le changement climatique et à s’y adapter. Le fonds climatique distinct pour les pertes et préjudices approuvé l’année dernière doit être financé de manière adéquate et devenir opérationnel, afin de permettre aux groupes les plus touchés d’accéder véritablement à ses ressources et à d’autres formes de recours.

L’Inde, qui accueille le G20, doit respecter les droits à la liberté d’expression, de réunion et d’association, et protéger le droit de manifester [2]. Ces dernières années, les autorités indiennes ont intensifié la répression contre les défenseur·e·s des droits humains, notamment les militant·e·s [3], les journalistes, les étudiant·e·s, les universitaires et les organisations de la société civile, en leur faisant subir diverses violations des droits fondamentaux. Elles doivent permettre à la société civile de fonctionner librement, et aux voix d’opposition de s’exprimer.

L’Inde a fait de la crise climatique la priorité la plus urgente du G20 [4]. En tant que pays le plus peuplé du monde, dont les émissions augmentent rapidement, l’Inde doit saisir l’occasion de jouer un rôle de premier plan dans une transition énergétique mondiale juste, tout en se penchant sur son propre bilan en termes de dépendance aux combustibles fossiles. Au cours des derniers mois et des dernières années, ce pays a subi des vagues de chaleur intenses, des sécheresses et des inondations, ainsi qu’une pollution atmosphérique dangereuse pour la santé dans plusieurs régions du pays, causées par la combustion de carburants fossiles.

Complément d’information

Le 18e Sommet des chefs d’État et de gouvernement du Groupe des Vingt (G20) se tiendra à New Delhi les 9 et 10 septembre. Il réunit 19 pays et l’Union européenne, notamment la plupart des économies les plus puissantes du monde et des principaux créanciers souverains, ainsi que des pays jouant un rôle clé et exerçant une influence sur les principales organisations financières multilatérales.

Les Principes directeurs des Nations unies relatifs à la dette extérieure et aux droits de l’homme fournissent des orientations spécifiques sur les obligations et responsabilités en matière de droits fondamentaux de tous les débiteurs, ainsi que des prêteurs étatiques et non étatiques, notamment les banques multilatérales de développement.

Le droit à un environnement propre, sain et durable a été universellement reconnu par l’Assemblée générale des Nations unies en 2022 et est lié à d’autres droits inscrits dans le droit international relatif aux droits humains, notamment ceux à la santé et à la vie.

Ce sommet du G20 précède la semaine de haut niveau de l’Assemblée générale des Nations unies et le sommet du Secrétaire général des Nations unies sur l’ambition climatique, qui se tiendront plus tard ce mois-ci, ainsi que la Conférence sur les changements climatiques, ou COP 28, qui s’ouvrira à Dubaï le 30 novembre.

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